J'ai acheté des CD depuis 1986 (et plein de vinyles avant), j'y ai mis énormément d'argent. J'en ai souvent racheté (remasterisations, bonus tracks...) et aujourd'hui tout ça ne vaut plus rien. Les rayons se vident au profit des DVD, des blu-ray disc (tout pour les yeux, rien pour les oreilles), en attendant le prochain format.

Et pourtant... c'était pas beau tout ça ?


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samedi 18 mai 2013

#23Z : David Bowie "Earthling"

A la relance depuis, chronologiquement, les deux Tin Machine, Black Tie White Noise et Outside, c'est un David Bowie tout artistiquement revigoré qui prend fièrement la pose vêtu de son Union-Jack coat le regard rivé sur la campagne anglaise... de dos ! Visuellement, si la pochette "flashe", elle n'est pas exactement belle et ce terrien vraiment trop spatial pour coller à ce bucolique entourage...

De fait l'album n'a pas le moindre cousinage avec quelque folk pastorale que ce soit, quelque badinerie campagnarde non plus, c'est un Bowie à la pointe, qui paraîtrait presque industriel s'il n'y accouplait un maniérisme tout anglais via sa grand-britannité intrinsèque et une bonne grosse louche de pulsions gigotatoires par des patterns drum'n'bass (ou jungle comme on disait alors) bienvenus, spécialité, comme vous n'êtes pas sans le savoir, de quelques DJs anglo-jamaïcains ou anglo-asian (dont Apache Indian ou Goldie (qui invitera d'ailleurs Bowie sur son monumental, et raté, Saturnzreturn).

On a dit que Bowie, tout époustouflé qu'il avait été par les prestations de Trent Reznor et de son Nine Inch Nails lors d'une récente tournée commune, décida de se glisser dans la brèche, de se réinventer, encore !, à la source d'une jeunesse chez lui depuis longtemps envolée. Oui mais, les sources de cette supposée mue industrielle (supposée parce que faut pas pousser, quand même !) ont leurs racines tant dans le Bowie classique, froid et détaché, de la période berlinoise que dans le prédécesseur d'Earthling, Outside, qui déjà mariait musique électronique et rock pour un résultat pas si dissemblable.

Sauf qu'Earthling pousse la logique nettement plus avant, initiative qu'on peut conjointement allouer au leader consentant et à ses deux coproducteurs, co-compositeurs et complices de l'occasion, Reeves Gabrels (déjà dans Tin Machine) et Mark Plati. Et au reste d'un casting de session aux petits oignons dont l'excellent et revenant pianiste Mike Garson (Bowie 70s/90s mais aussi Stan Getz, Stanley Clarke, en solo, etc.). Bref, tout est réuni pour que la satisfaction soit au bout du chemin (et de l'écoute). Et ça nous donne tout de même 6 très bonnes chansons sur 9 soit un ratio 2/3, 1/3 que Bowie n'avait plus atteint depuis Scary Monsters (and Super Creeps)... 17 ans plus tôt !

Déjà il y a l'excellentissime Little Wonder qui, à lui seul, déroule le menu, dévoile la tendance d'un Bowie mélodiquement immédiatement reconnaissable et livré à une formule qui colle comme un gant à son inspiration du moment. La pattern d'nb, le riff, les ambiances tissées par les samples, synthétiseurs et guitares, l'intermède central instrumental... Tout y fonctionne magnifiquement. Du coup, Looking for Satellites, l'une des moins mémorables de l'album, mollassonne comme du Peter Gabriel sous tranxène, fait pâle figure et modère l'enthousiasme originel. Comme les deux autres "ratages" de l'album, The Last Thing You Should Do et Law (Earthlings on Fire), elle souffre surtout du voisinage d'autres compositions supérieurement réussies parce que ce ne sont pas, fondamentalement, de mauvaises chansons et qu'elles s'écoutent sans déplaisir. Mais sans l'enthousiasme qui nous prend, par exemple, sur un Battle for Britain, du pur Bowie  revu et corrigé sur une rythmique jungle et un riff indus light mais du pur Bowie quoiqu'il en soit, ou sur un Seven Years in Tibet, sorte d'exploration Outside du Thin White Duke, saxo râpeux compris avant d'exploser en gros rock Tin Machinesque et de finalement raccommoder les deux... Brillant !

Parce que, voilà, c'est aussi une leçon qu'on peut tirer de cet excellent EarthlingBowie n'est pas soluble dans la (les) mode(s). David Bowie, quelque soit le panorama qui l'entoure restera toujours David Bowie, marque d'un Grand. Et quand en plus, comme c'est le cas ici, l'écrin est presque "plus-que-parfait", les Himalaya ne sont jamais bien loin, la satisfaction béate non plus.


1. Little Wonder 6:02
2. Looking for Satellites 5:21
3. Battle for Britain (The Letter) 4:48
4. Seven Years in Tibet 6:22
5. Dead Man Walking 6:50
6. Telling Lies 4:49
7. The Last Thing You Should Do 4:57
8. I'm Afraid of Americans 5:00
9. Law (Earthlings on Fire) 4:48


- David Bowie: vocals, guitar, alto saxophone, samples, keyboards, production
- Reeves Gabrels: programming, synthesisers, real and sampled guitars, vocals, production
- Mark Plati: programming, loops, samples, keyboards, production
- Gail Ann Dorsey: bass, vocals
- Zachary Alford: drum loops, acoustic drums, electronic percussion
- Mike Garson: keyboards, piano


Life on earth?

 
Et je ne résiste pas, cerise sur le gâteau, à vous livrer le passage de
David Bowie à Nulle Part Ailleurs pour la promo de l'Earthling:
 

12 commentaires:

  1. A la même époque, le concert pour ses 50 ans (diffusé sur canal+) m'avait sacrément foutu le cul par terre, j'aimerai bien me le rechoper celui là.

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    1. Pareil !
      D'autant qu'on y voyait Bowie fesser toute la concurrence venue lui rendre hommage (pas parce qu'il le voulait, simplement parce qu'il était meilleur qu'eux).
      Ca doit se trouver sans trop de difficultés, je pense... Voir avec les Papillons Noirs ou les membres du Club des Mangeurs de Disques qui sont des gens plein de ressource. ;-)

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    2. En attendant mieux, ça se trouve sur youtube :
      http://www.youtube.com/watch?v=wkDrisfTVpQ

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    3. Et même en DVD pas trop cher chez Amazon:
      http://www.amazon.fr/Birthday-Celebration-Live-New-York-1997/dp/B004RFWZHA

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    4. Merci l'ami, je branche download helper sur youtube de suite ;) Je vais me régaler, avec un long week end de pluie ce sera parfait.
      Et, oui, il les met tous à l'amende le bougre.
      Allez, encore un brin de promo mais vers mon blog photo cette fois, rubrique David Bowie bien sur (les photos sont toutes en super qualités, piquez les)
      http://stylespanky.blogspot.fr/2013/04/david-bowie.html

      Encore merci.
      Hugo

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    5. Ben tiens, tu aurais tort de te priver ! ;-)
      Comme la Bowie mania va continuer, je le sens !, tu pourras y revenir.
      Et j'espère que tu as regardé la vidéo de NPA, quelle classe ce mec, quand même !!! Et Reeves Gabrels, quel guitariste !!! Tout le groupe y excelle, d'ailleurs.
      Enfin, merci du commentaire, Hugo ! ^_^

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    6. Ouais je l'ai vu et revu ce passage à NPA (même en direct) Bowie donnait vraiment dans l'excellence à ce moment là, une fois de plus.
      J'espère que mes liens ne t'ont pas gonflé, c'est juste pour le plaisir de faire partager.
      Il y a une collaboration qu'il n'a pas encore fait et qui me fait rêver rien que d'y penser, c'est avec un autre Jones, Mick, celui de Big audio dynamite et Clash. Leur sens commun de la modernité tout en la raccrochant à ses racines aurait pu donner quelque chose de dément.

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  2. Dans les récents je préfère Heathen mais c'est un bon album. J'avais même été impressionné à sa sortie. Pas comme avec The Next Day... :/

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  3. Outside et the Next day sont quand même les 2 clairement au dessus de là mêléé dans la période post-Let's dance.

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  4. C'est avec ce disque que j'ai eu la révélation d'un Bowie associant son jeu d'écriture maintenu depuis ses débuts et les genres musicaux dans l'air. J'en étais même à me demander si sa période Berlinoise ce n'était déjà pas ça, un Bowie à l'écoute d'artistes que nous n'avions pas sous la main, ce qui donnait l'impression qu'il était en avant poste de la création.
    Or, depuis, je sais donner à ENO sa part.
    Par contre, ce qui fait que sa musique vieilli bien, c'est ce qu'il y a mis de lui même: mélodie Bowie

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    1. Bowie est un grand ratisseur de tendances mais, comme je l'ai écrit, il n'en est pas pour autant soluble dans le genre qu'il aborde/auquel il emprunte. Perso, je pense que Bowie a toujours renouvelé son spectre en le mettant au gout du jour, pas seulement à partir de Low, toujours !

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  5. Comme je n'ai de toutes façons aucun Bowie préféré car je suis et reste un admirateur de l'artiste mais pas uniquement pour sa musique, pour tant de ces choses essentielles qu'il a apporté en général, en osant, en cristallisant les tendances et en les optimisant pour en faire sortir le meilleur à chaque fois, je n'ai pas d'éloges supplémentaires à faire sur cet album tout aussi essentiel que l'intégralité de sa discographie.
    Il me vient un truc à l'esprit, de mémoire...
    Bowie peintre disant qu'il ne serait jamais un grand peintre car, contrairement à sa conception musicale, quand il peignait, il ne savait pas trouver le moment où s'arrêter pour fixer l'oeuvre, chose qu'il savait par contre faire avec recul, car ayant projeté ses objectifs préalablement, en musique.
    Cette simple petite phrase, j'en ai pris leçon - juste une pensée de véritable intelligence d'expression artistique.
    Alors, cet album ?
    Rien à ajouter de spécial...
    Comme toujours, à sa sortie et encore à chaque écoute...
    Magique.
    BOWIE, quoi...

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