J'ai acheté des CD depuis 1986 (et plein de vinyles avant), j'y ai mis énormément d'argent. J'en ai souvent racheté (remasterisations, bonus tracks...) et aujourd'hui tout ça ne vaut plus rien. Les rayons se vident au profit des DVD, des blu-ray disc (tout pour les yeux, rien pour les oreilles), en attendant le prochain format.

Et pourtant... c'était pas beau tout ça ?


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lundi 29 avril 2013

#166 : Black Sabbath "Paranoid"

...Pour faire suite au This Is... Black Sabbath de Keith Michards, qui, fidèle à sa marque de fabrique, propose une bien belle compilation évitant superbement et crânement le Greatest Hits. Mais comme disait Georges Clémenceau à Jimmy Page, Black Sabbath est une chose trop sérieuse pour la confier à des métalleux.

N'empêche, putain de merde, même si ça sent la chronique de la mort annoncée, Tony Iommi étant rattrapé par un vilain crabe, alors autant verser les larmes de crocodiles dans un dernier sabbat infernal, car l'hommage post-mortem sentirait par trop la vieille bigotte pleureuse. Et pourtant, c'est bien ce qui risque d'arriver en ce jour malheureux : A l'inverse d'un Led Zeppelin, Black Sabbath a longtemps, bien trop longtemps fait partie de ces groupes qu'il était douteux d'adorer. Déjà adolescent, il fallait éviter de les tatouer sur sa musette américaine, au même titre que Saxon, Iron Maiden et autres Whitesnake. Tout ça parce que le grand guignol assumé de cette bande-là ne faisait pas sérieux. Même pas peur, finalement. Pas d'histoire scabreuse d'escalier vers le paradis, de Dame qui sait que tout ce qui brille est or, etc. Ici, il est question de salade de rats, d'enfant des tombes, de funérailles électriques, bref, une attitude Rocky Picture Show plutôt qu'Exorciste. A peine plus crédible que l'affreux Eddy des Iron Maiden. Et les reality shows d'Ozzy Osbourne n'aideront pas le groupe à rentrer dans la légende. Cerise sur le gâteau, les soli ils sont tout pourris, et ça joue même pas vite. Et, si l'on en croit les notes de pochette du live sorti en 1997, les Black Sabbath avaient eux-même peur des signes sataniques qui leur sont apparu, évidemment. Hé les gars, ça serait pas plutôt au niveau du nez qu'il y a un problème ? Hein ?

Je vous passe la comparaison d'un Tony Iommi avec un Ritchie Blackmore, qui lui jouait vite et écoutait Bach, ou un Jimmy Page qui jouait vite mais savait aussi jouer de la guitare acoustique, ce qui, vu notre maigre budget et vu la transportabilité de nos guitares classiques nous arrangeait bien pour draguer. Nous jouions de la guitare sèche comme Led Zeppelin, et, tu comprends, le solo là je peux pas le jouer, ça rend pas sur une acoustique, mais bon, à la maison je le joue sur mon Ibanez. Dieu m'est témoin que ces choses-là étaient importantes. Je dois ma première guitare électrique à l'intro de Stairway To Heaven - tu vois maman c'est pas juste pour faire du bruit, c'est de la vraie musique.

N'empêche, une fois la poële électrifiée dûment gagnée, c'était autrement plus jouissif de jouer les deux accords de Paranoid que le riff de Black Dog. Tchaka-poum, vite fait bien fait, ah la jouissance adolescente. Tony Iommi, c'était presque possible d'entrevoir l'éventualité un jour d'arriver à refaire le solo. Alors évidemment, les pisse-vinaigres avaient vite fait de te décrédibiliser face aux Isabelles et aux Aurélies que tu aurais pu espérer épater. Y'avait toujours un Brice pour sortir que "mon grand frère qui joue super bien de la guitare il dit que Black Sabbath c'est nul".

Ben oui, c'est nul ! On louait tous l'immense tessiture vocale de Robert Plant ou Ian Gillan, mais Ozzy, il chantait comme un cochon qu'on égorge, et y'avait même pas de slow valable sur leurs disques. Envoyés crassement, c'était que du riff lourd, bref, à une époque ou Yes vendait des disques, ça craignait.

Il faudra attendre l'arrivée du death metal et des stoners pour que Black Sabbath se trouve un héritage. Et peut-être, pour Tony Iommi, un entrefilet dans les Inrocks le jour où il cassera sa pipe.

N'empêche, si certains effets ont bien mal vieilli, faut quand même rendre à Sabbath ce qui est à Sabbath : le culot monstrueux de s'affranchir dès le début ou presque du blues, alors que d'autres en feront leurs choux gras pratiquement jusqu'au bout. S'il faut parler d'influences, j'oserai plutôt le jazz, dans le jeu de batterie sur Electric Funeral, au hasard, voire le solo de batterie (ne partez pas !) sur Rat Salad, le jazz donc avec toutes les libertés harmoniques qu'il permet. Et que si Ozzy chante aussi mal que Vincent Delerm, il contribue quand même merveilleusement à ce climat morbide, glauque et jouissif du truc. Et que l'ensemble reste diablement efficace : merde, c'est vrai, t'achètes un disque de hard et t'as une face entière de folk anglais, c'est râlant, non ? Ici, pas de tromperie sur la marchandise. Une pochette glauque et dangereuse, mal foutue certes, mais qui détaille par le menu ce que tu vas te prendre dans les écoutilles.

Donc, voilà, je poste... Paranoid. Pourquoi ? Ben parce qu'il y a Paranoid dessus. Et War Pigs. Aaah, War Pigs, ses sirènes, ça craint un max. C'est du tout bon. Ca t'envoie des zombies pendant trois quart d'heures, et tant pis pour l'effet de surprise. Bon, je regrette déjà de ne pas avoir posté le 1er, mais s'il y a de la demande, on peut envoyer l'artillerie. Parce que le troisième aussi et... bref. Je voulais simplement compléter la compile de Keith par un album monstrueux et riche en morceaux d'anthologie (Fairies Wear Boots, elle y est aussi). En souhaitant vivement que ceux qui n'auraient même pas pensé à approfondir la question soient peut-être tentés de se la poser.

Tony Iommi semble décidé à se battre contre son crabe en rallumant la flamme Black Sabbath. C'est peut-être pas moins con que d'aller à Lourdes.

Electric Funeral, ok, mais le plus tard possible, d'accord ?...

PS : Désolé Toorsch, j'ai pas vu que tu venais de le chroniquer. Bon, mieux vaut deux fois qu'une ?


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4 commentaires:

  1. C'est autre chose que les QOTSA, c'est sûr ! :-P

    Beau billet.

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  2. T'as tout bon, Jeep' !!!

    Je voudrais quand même revenir sur la pochette de ce disque. Qu'est ce qu'on y voit ? Un petit moustachu maigrichon avec un blouson brillant jaune et un bas de survêtement rouge. Jusque là, rien de vraiment choquant ! Très en avance sur leur temps, les Sabbath, si on se souvient que la vague disco n'arrivera que 10 ans plus tard. Si l'on y regarde de plus près, on s'aperçoit que le gaillard s'est mis un slip bleu sur le survêtement et une sorte de chiffon rouge sur l'épaule en guise de cape. Soyons magnanimes : on va dire que ça passe aussi. Le slip sur le collant ayant été remis au goût du jour par Véronique et Davina, quelques années plus tard.

    Maintenant, examinons les accessoires : tout d'abord un bouclier qui m'a l'air façonné du même métal que les boîtes à chaussures, un sabre bien trop luisant pour être honnête, dont Georges Lucas s'est forcément inspiré en écrivant la saga Star Wars. Et n'oublions surtout pas le magnifique casque de mobylette, le fameux bol qu'on a tous porté au guidon de nos 101 Peugeot. Ce genre de casque qui te faisait manquer à coup sûr la touche que tu avais avec la copine de ta sœur. Un casque qui fait dorénavant partie du patrimoine rural français.

    Je voudrais donc demander à messieurs les Black Sabbath : c'est qui ce graphiste que vous avez embauché pour pondre une telle bouse ? Vous savez qu'il y en a qui on manqué une belle carrière pour moins que ça !!!!!

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  3. Bon, même commentaire que T2Orsch, A l'époque j'ai probablement fait le choix de Led Zep. La pochette de SABOTAGE a fait la différence et Led Zep avat tellement plus de classe.
    Ceci dit, comme Keith, celle ci aussi de pochette a quelque chose de "magique" (Sauf que dans le verso de SABOTAGE on voit son slip a pois. Rédhibitoire
    Bon et aujourd'hui? Aujourd'hui, j'ai quelque regret, un best of que j'ai gravé il y a peu (une grosse dizaine d'années) pour découvrir WarPigs qui j'avoue, quand même, ben oui...
    Conclusion, à l'époque de vinyle, fouttre en l'air une pochette c'était risqué.

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  4. Il n' y a pas de problème, ce disque est génial et ta chronique aussi. Je suis passé hier, mais faute de temps je n'ai pas laissé de Com'. Le pire dans cette affaire, c'est que j'ai commencé ma chronique la veille du post de Keith, puis appelé par l'odeur alléchante du barbecue et de la bière fraîche, j'ai terminé la chose dans les vapeurs d'alcool pour la publier seulement le lendemain... Et la Bam! je tombe sur le génial "This Is" de Mr Michards... Puis re-Bam, ta chro!!!! Sans doute de la magie noire en vu de la sortie imminente de "13"!!!

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