C'est pas souvent que je poste un disque récent, encore moins à près à peine trente secondes d'écoute. C'est même la première fois, et là, ben c'est l'épate totale, le bluff, l'esbroufe, l'amour, la passion et la déraison. Pour les Carolina Chocolate Drops. Trois noirs prenant la sale histoire par les cornes, se ré-appropriant le banjo vilainement piqué par les sales rednecks au début de ce siècle, pour nous faire revivre les string band ancestraux. Il n'est pas (encore) question de blues, même si ça pentatonique ta mère à tous les étages. L'instrument du diable retrouve sa rugosité, sa nervosité, son sens rythmique, loin des prouesses bluegrass vers lesquelles l'amèneront les Earl Scruggs, Bill Keith et autres ténors du genre bien éduqués. On n'avait pas entendu ça depuis ce vieil album de Taj Mahal, De Old Folks At Home, si mes souvenirs sont bons.
Les esprits chagrins me diront que ça sent la cire et le musée. Je leur répondrai, car je suis de bonne humeur, que je préfère traîner au Louvre qu'au Virgin Megastore si l'envie me prend de me cultiver. Toc.
Pour ceux qui seraient donc tentés de découvrir une musique sans âge, à une époque ou l'Amérique, surtout noire, n'avait même pas encore eu l'idée de Rêver, on ne fait pas mieux. Inutile de s'écorcher les oreilles sur de vieux 78 tours vaguement repiqués en digital, c'est le confort à tous les étages. Une occasion unique de vous plonger là-dedans (même si le titre que j'écoute, là, Country Girl, gâche un peu ma prose et vise l'impossible fusion avec le hip-hop et lorgne vers les radios, mais bon... c'est sur le vif, hein !), de vivre une expérience rarement relatée au rayon world music de votre supermarché préféré, si ce n'est que très vaguement via la BO de O Brother.
Pour les fausses sceptiques, je rappellerai que toute la musique qu'on aime, quelque part, elle vient de là. Même si elle a un peu jaunie (c'était mon paragraphe calembours à trois balles, j'arrête là).
Oh voilà un deuxième morceau qui m'ennuie. Leaving Eden. Roots dans l'instrumentation, mais une voix bien trop léchée pour être honnête. Bah, j'ai commencé à écrire, je termine. Finalement, le morceau témoigne bien de la façon dont ces influences ont évolué. D'une beauté primaire à une jolie mélodie. D'un honky tonk à l'iTunes. Mais bon, si ça peut permettre à des oreilles d'entendre le reste, faut-il en vouloir aux Carolina Chocolate Drops ?
Alors, au final, ersatz ou hommage appuyé ? No se. Et qui pourrait dire, en écoutant un truc récent, s'il passera l'épreuve du temps ou si la passion se consumera aussi vite que la crédibilité de l'interview d'un Sarkozy sur France-Inter ? Les fans des Happy Mondays - au hasard - ne me contrediront pas.
Voici donc quelques vignettes de 2'30 maximum à savourer au minimum le temps d'un week-end, entre un T-Bone et un petit whisky de contrebande. A l'heure d'une crise économique sans précédent, cette sympathique galette a, au moins, le mérite de rappeler qu'on peut faire de la musique à plusieurs dans une même pièce sans samplers, avec un banjo, deux cuillers, une contrebassine et un flutiau. De la musique qui sonnera bien mieux au café du coin qu'au Stade de France. Il faut ré-inventer les circuits courts, court-circuiter les Coldplay et autres Radiohead, ré-apprendre à danser et parler ensemble, boire un coup et rentrer heureux.
Voilà, c'était le message du jour du Révérend Jeepee.
West End Blues...
J'ai acheté des CD depuis 1986 (et plein de vinyles avant), j'y ai mis énormément d'argent. J'en ai souvent racheté (remasterisations, bonus tracks...) et aujourd'hui tout ça ne vaut plus rien. Les rayons se vident au profit des DVD, des blu-ray disc (tout pour les yeux, rien pour les oreilles), en attendant le prochain format.
Et pourtant... c'était pas beau tout ça ?
- - - Disapproved by the Central Scrutinizer - - -
vendredi 2 mars 2012
#118: Carolina Chocolate Drops "Leaving Eden"
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J'aime le chocolat et la musique "sans âge"... j'ai donc chargé ce disque, la langue pendante et le corps secoué de spasmes névrotiques. Depuis quelques heures , il est tapi au cœur de mon Winamp adoré et me fait voyager dans un temps que les moins de 20 ans... Et ce disque, je le laisse fondre sur ma langue... comme je le ferais avec un rocher Suchard. Je l'avale, je l'absorbe, je me repais de chaque grain distillé par ce trio enchanteur. Même le précieux "Leaving Eden" qui semble un diamant sorti des boues noires d'un putride bayou.
RépondreSupprimerPutain que j'aime cette galette !!!
Révérend JeePeeDee, je me présente à vous, nu comme un gecko, afin de recevoir le traditionnel baptême au piment et au whisky frelaté.
tu m'as convaincu,j'écoute cette musique sans age!!!!!
RépondreSupprimerSalut Jeepeedee,
RépondreSupprimerSais pas si je verrai la fin du téléchargement avant mes cent ans.....j'espère encore......viendrai t'en parler après écoute; comme d'hab ta chronique donne envie d'en savoir plus.
Merci pour le partage.
Echiré79
Enfin j'ai pu télécharger et écouter et le résultat est à la hauteur de l'attente ( et de ce que laissait présumer ta chronique)
RépondreSupprimerMagnifique plongée, sans nostalgie ni plagiat, dans l'histoire de la musique américaine, juste une superbe façon de revisiter et réactualiser ses racines.
Merci pour la découverte.
Viens de voir que Carlos a posté leur album " Genuine Negro Jig", j'y cours.
Echiré79
J'hésitais surtout que je suis dans la grosse machine (Spartacus de Khachaturian du Star Wars, mais au sol ;-) ) Ton billet est passionnant d'hésitation mais c'est Keith Michard qui m'a poussé dans le dos, donc je charge...
RépondreSupprimerSalut Jimmy,
RépondreSupprimerQue tu sois déçu, bien que j'en sois navré, ma foi, les goûts et les couleurs... exercice de style, oui, si on veut (je l'explique d'ailleurs) mais le lien avec les Pogues je vois pas du tout... rien à voir me semble-t-il. Ce n'est pas l'originalité qui est ici recherchée à mon humble avis. Enfin, on va pas tergiverser sur une galette. 1 déception vs 5 contents, ça valait le coup de poster, non ?
Bon, he bien j'aime bien.
RépondreSupprimerpour sûr c'est pas original... les Pogues, comme d'autre (Spécials) c'était un genre remanié à la sauce punk.
ici c'est plutôt un tour d'horizon, assez riche en fait, des dérives du Bluegrass Country ou Folk.
Le Country Girl? Hip Hop? Un peu soul peut-être... En + guitare acoustique je la voyais bien chez une Tracie Chapman ou Suzanne Vega???
Pour les Pogues, parles-en à Van Morrison, mais bon, ce n'est peut-être pas le meilleur exemple de "tolérance", et en plus, en vieillissant, le barde a les mollets plus en forme que les cordes vocales... Ceci dit, je comprends mieux. Mais j'ai toujours la faiblesse de penser qu'on a là un truc un peu embaumé, certes, mais une tendre vision de la musique des années 20, concoctée avec amour et dévotion faute de génie (même si 2-3 morceaux cherchent à dépasser le genre). Ceci dit, ce truc ferait un buzz chez les Inrocks et passerait 50 000 fois sur Frnce Inter que je me rallierais rapidement à ton panache...
RépondreSupprimerthe links is dead... kaophonic
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