J'ai acheté des CD depuis 1986 (et plein de vinyles avant), j'y ai mis énormément d'argent. J'en ai souvent racheté (remasterisations, bonus tracks...) et aujourd'hui tout ça ne vaut plus rien. Les rayons se vident au profit des DVD, des blu-ray disc (tout pour les yeux, rien pour les oreilles), en attendant le prochain format.

Et pourtant... c'était pas beau tout ça ?


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samedi 22 mars 2014

GCDBMDD #7 : The Doors "LA Woman"

Thème du jour : I want to drive you through the night, down the hills - Vous mettez cet album dans l'autoradio et vous conduisez toute la nuit. Pour aller où? Là n'est pas la question...

La short-list incluait également, et pour les mêmes raisons que ci-dessous, Electric Ladyland de Jimi Hendrix, que j'avais songé aussi à placer comme disque de cul magistral. J'avais songé égalment au Doggystyle de Snoop Doggy Dogg, là encore, du vécu, mais vu l'épisode disco, j'imaginais d'ici les salves de commentaires sur le gangsta rap, le fric, la dope et le reste. De toute façon, mon honnêteté m'impose de vous parler du LA Woman des Doors.

Ce qui n'est pas une chose facile, car tout a déjà été dit, car je ne me permettrai pas de relancer le débat sur la qualité de l'album (le meilleur des Doors ? A votre avis ? hi hi hi...). Inutile me semble-t-il de passer 3 heures à le ripper en mp3, vous l'avez déjà, non ? Et l'édition deluxe n'apporte rien, voire enlève de la magie à ce bijou, alors...

Disons que ce disque, acheté en version originale à un pote contre 5 malheureux francs de l'époque qui finirent en carambars, dont la moitié me fut rétrocédée, fut une découverte totale. La voix de Jim Morrison, d'abord, preque crooner, ce qui fut pour me déplaire car je préférais les brailleurs qui semblaient porter d'avantage de révolte que le mojo risin' Jim dans, au hasard, Hyacinth House, voire dans Love Her Madly. Bien sûr, j'adorais Riders On The Storm. Je n'ai jamais pu, depuis, me défaire de ces frissons qui me traversent l'échine dès qu'apparaît un petit filet de Fender Rhodes dans n'importe quelle chanson.

Mais tout cela importe peu.

Comme chaque année, avec mon papa et ma maman nous partions 15 jours en vacances au camping de la Pascalinette à la Londe-les-Maures. Je passai donc de mon enfermement alsatique déprimant à la beaufitude complète de la toile de tente sous les pins parasols. On allait manger 2-3 fois à la Trappa, une merveilleuse pizzeria à Hyères-les-Palmiers. Les autres jours, on allait se baigner à la plage, et mon cousin Patrice nous rejoignait le soir, dans sa R12. Mes parents buvaient du pastis et du rosé avec lui, ils avaient l'air de s'amuser de plus en plus au fil de la soirée, et mon ennui était inversement proportionnel à leur pochetronnerie, puisque c'est bien de cela qu'il s'agit.

Heureusement, si ma vie naviguait entre ces deux points d'ennui magistral, la maison et le camping l'été, il y avait ces 900 km qui séparaient mes deux cachots, et il fallait bien compter 12 heures de Mehari pour joindre les deux bouts. 12 heures absolument magiques, durant lesquelles les paysages défilaient, durant lesquelles il pouvait, potentiellement, se passer quelque chose.

J'avais mon walkman vissé sur la tête, et j'embarquais mes maigres trésors de l'époque : Goat's Head Soup des Stones, le Led Zeppelin IV, Electric Ladyland de Jimi Hendrix et - justement, cette année-là - LA Woman des Doors. Stairway To Heaven gardera toujours l'odeur de la toile de tente et de la sueur lors de la sieste obligatoire après le pastis et le rosé, Dancing with Mr D. celui des Choco BN, de même que All Along The Watchtower.

LA Woman, le disque et la chanson en particulier, c'était autre chose. On avait voyagé de nuit, et mon père avait fait une petite sieste sur le coup des 3 heures du matin sur une aire d'autoroute. Je ne dormais pas, j'écoutais LA Woman en regardant les allez et venues incessantes des voitures sur le parking de la station-service, les phares qui déchiraient la nuit sur l'autoroute d'à côté. J'étais réveillé. En pleine nuit. J'entendais les voix des portugais, dans leur R16 surchargée, qui repartaient au pays. Parfois, des anglais discutaient (des anglais ! comme les Stones ! yeah !) et je m'imaginais un jour, moi aussi, rouler comme ça la nuit vers d'autres destinations. Ah oui, putain, d'autres destinations. J'étais en Amérique, je devais atteindre Los Angeles au petit matin, dans ma Cadillac. J'étais avec Isabelle, mon impossible amour de l'époque, et on avait plein de cassettes à passer dans l'auto-radio ! Le Some Girls des Stones que j'avais pas pu me payer, les disques de ce Bruce Springsteen dont on parlait tant mais que je ne connaissais pas, et on ferait cette même sieste en écoutant le Floyd...

The cars hiss by my window...

Même ce morceau chiant, là, abruti par la fatigue à 3 heures du mat', il m'allait très bien.

Mais c'est surtout LA Woman que j'ai découvert. J'ai eu l'illumination. Ce passage lent, là, quand Morrison se met à scander Mr Mojo Risin, toujours ce Rhodes derrière, et les bagnoles qui défilaient... Ridin' on the freeway, city at night... Jamais, pour moi, on a mieux écrit et chanté ces moments glauques mais tellement poétiques, symbolisés par cette aire d'autoroute. Oh, ce n'étaient pas les lumières de la ville, et le côté ride, avec mon papa dans sa Mehari, était quelque peu... limité ?

Alors oui, définitivement, imaginant que je roule dans la nuit, et peu importe vers où, mais avec quelqu'un que j'imagine forcément quelqu'une, c'est certain que LA Woman tournerait en boucle sur l'auto-radio.

Je n'ai, à ce jour, et comme la Lucy Jordan de Marianne Faithfull, jamais conduit de belle bagnole, qui plus est jamais sur une freeway aux States.

Sans doute est-ce un rêve qui ne se réalisera jamais. Alors, il me reste LA Woman et ces images définitivement imprégnées dans ma tête et dans mon âme pour arriver à vivre avec.

14 commentaires:

  1. Tellement tout le monde l'avait, j'ai pas eu besoin de l'acheter. Longtemps j'ai caché que j'aimais pas les Doors mais j'ai fait mon coming-out y a déjà quelque temps, sur un post de la galaxie...
    Superbe texte. Vivant dans un endroit où justement les gens viennent en vacances il en faut bien pour les accueillir (mes parents par exemple...), je n'ai pas connu ce genre d'épisode mais je m'y vois !
    Par contre, franchement, la méhari ça vaut bien une Cad'.

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    1. Oui, sans doute la mehari vaut-elle bien une Cad', mais franchement, ça me fait plus rêver de traverser les Etats-Unis en cadillac que de traverser la Lozère en Mehari. On se refait pas...

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  2. Choix évidement pertinent....Le meilleur des Doors ?? Vaste débat !!!
    Les vacances étant gamin en camping/beauf/plage/pétanque/apéro à rallonge & co, j'ai aussi vécu ça !
    Moi, c'était pas la méhari mais une Renault 4L fourgonnette avec banquette à l'arrière (celle que mon père artisan utilisait pour son job)....que de souvenirs.
    A +

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  3. T'es à la bourre, ça fait des heures qu'on t'attend pour partir en virée ! Mais puisque tu as amené la fille de LA, et ses atours affolants, on t'excuse, vieux grigou ! ^_^

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  4. Cette Door là se laisse ouverte en partant, un disque pour la nuit, j'adopte. Cela m'a fait plaisir de recroiser ta plume. En esperant te lire u peu plus souvent !

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  5. La pochette à elle seule me file encore la chaire de poule...

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  6. Combien de voyages ai-je fait avec cet album... Parfait.

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  7. Le film sur les Doors commence sur la route, accident, une longue artère.. vers nulle part.. sa vie, le début de qqchose, LA Woman, j'ai mis du temps à réaliser que c'était le dernier.. et je réalise tjrs pas pourquoi c'est mon préféré.

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  8. Disque absolument indispensable. Plus que bien vu.

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  9. Comme d'habitude l'emballage est aussi beau que le cadeau.

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  10. Superbe billet. Pour un disque génial, bien que découvert tardivement pour ma part.

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  11. Rah oui bien sûr! Magnifique disque que j'ai écouté...écouté...

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  12. Merci à tous... A très bientôt, je vais essayer de pas attendre le prochain concours pour re-blogger un peu...

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  13. Ah merde JPD, tu viens de me faire revenir le souvenirs de vacances. J'avais même pas de walkman, je partais 2 ou 3 semaines sans musique. Je vois même pas comment c'était possible, aujourd'hui je ne passe pas une journée sans.
    Et dans la voiture, au mieux y avait rien, au pire RMC ou un machin dans ce genre.

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