Dans les Départements Français d'Amérique, en Région Ultra-Périphérique, la recherche de bande-passante, ça fait des soucis. Parti walaï, laissant femme et enfante jusqu'au mois de juillet gamberger dans la Métropole asphyxiée par le FN, désolé les gars les filles, j'ai pas pu poster de musique. Embêtant pour un blog musical. Une timide connexion entre mon macbook et mon Samsung Galaxy De Merde me permet quand même de saliver sur les posts Jimmy, et les autres, mais c'est à peu près tout ce que je suis en capacité de faire. Après, autant vous dire que j'arrive à survivre. C'est un doux euphémisme, mais tout ici est doux, dis-donc doudou.
Sans plus paraphraser Carlos, c'est une chose bien incroyable qui m'arrive. Revenir ici, en Martinique, 25 ans après. Il y a 25 ans, c'était le début du monde pour moi. La fin de l'apprentissage, stage de fin d'études sensé définitivement valider mon riche parcours estudiantin, faire de moi l'élite de la Nation après y avoir mesuré la croissance de poissons dont - si je n'ai pas oublié leur nom latin, je ferai comme si, des fois qu'on me reconnaisse - je n'avais à vrai dire pas grand chose à faire.
A cette époque, j'aurais volontiers revendu tout l'or de Rennes-le-Château pour m'assurer d'une vie celtique ad vitam Stivellam. Mais des chagrins d'amour, que l'on prend quand on est jeune pour des peaux de bananes sur un trottoir trop rugueux, alors qu'elles ne sont qu'un encouragement à aller voir ailleurs - va voir ta mère ce qu'elle a préparé ta mère - une omelette avec les yeux de ton père - remember les Négresses ?
J'avais raccourci mon opportunité d'ailleurs. Rentré plus tôt. Mon exploit de Don Quichotte n'avait pas fonctionné. Mon héroïsme s'était gâté fissa. La belle, partie au Canada n'était pas revenue, et il se passait quand même des trucs incroyables en métropole. Stock Phrases de Kat Onoma, par exemple, que j'avais réussi à mettre dans mon walkman sous les tropiques, alors merdeuses à souhait d'un strict point de vue musical(remember Kassav ?). Alors j'écrivais des chansons tristes, comme Leonard Cohen sur ses îles grecques.
En même temps, sinon l'enfance, qu'y avait-il alors qu'il n'y a plus, je m'étais fait des potes, en toute innocence de se qu'ils se cramaient dans la gueule (du crack, of course), une fois nos petits apéros blindés achevés. Ah, ces parties de domino, de belote, on prenait un feu à chaque pli, à chaque victoire. On achetait la bouteille de rhum à la petite boutique, on remplissait la bouteille d'eau pour éteindre le feu (j'aurais imaginé l'inverse, je serais peut-être riche), et bon dieu que les étoiles étaient belles !
Et puis il y avait ces fins de soirée - oh non pas avec la population représentative de l'essor culturel et économique de l'île, qui s'en foutait de ta tronche de petit blanc de passage ! Non, je vous parle ici toujours des mêmes, craqués, accompagnés de pêcheurs de langouste à la petite semaine, de rastas rêvant de gloire métropolitaine raggamuffinisée comme c'était la mode à l'époque... tout ce petit monde s'offrant à des confidences de fin de soirée qui vous foutaient des frissons dans le dos. Si le rock'n'roll était vaudou, ici c'était quimbois, et ça vous foutait autant les patoches. J'ai entendu des soukounians atterrir sur mon toit, moi !
Mais à 25 ans à peine, passé quelques mois là-bas, sans histoire d'amour retentissante, on rentre. Rappelez-vous qu'il n'y avait pas d'internet, que c'était la chienlit pour trouver une cassette vous permettant de survivre (Nathalie - oui, Nathalie je crois - m'avait quand même filé Nebraska de Bruce Springsteen - quelle éclate !). Je suis donc rentré, j'ai tout cassé en partant, humiliant mes potes locaux en ne les invitant pas à mon pot officiel (tu avais honte de nous parce qu'on est noir ! hein ! - putain quel con, quel manque de discernement !).
Et puis j'ai passé 25 autres années à vivre ailleurs, tranquillement installé devant ma chaîne stéréo et mes milliers de CD. Sans avoir pu dire pardon. Jusqu'à l'envie de vomir quand la ville, par le fleuve, coule à la mer comme un abcès.
Alors je suis revenu. Les couilles en avant, comme on dit vulgairement après avoir sifflé les deux apéros de la Class Economy d'Air France. Pour l'instant je suis planqué dans le sud de l'île. Fort-de-France n'a pas changé. Les mecs se défoncent toujours au crack. Ca me laisse peu d'espoir de revoir ces gens, mes amis d'il y a 25 ans, et de leur dire pardon, je vous aime, les copains. Va pourtant falloir que j'y arrive, car m'est avis qu'ils m'ont balancé quelques patte de poulet virtuelles à travers l'océan, pendant toutes ces années.
Aujourd'hui, on ne sert plus le Ti Punch comme avant. Fini, dans les spots à touriste, de laisser la bouteille, les verres et les rondelles de citron. Le Café du Commerce est ici aussi. Pour autant, tant pis, j'ai un truc à régler. Et j'ai vraiment envie d'y arriver.
PS : toutes ces chansons sont d'époque, mal foutues, prétentieuses, sans doute puériles. Désolé. On fait ce qu'on eut, on a ce qu'on a.
Bises les amis blogueurs. Demain je prends la navette pour Fort-de-France, comme chaque matin, je me réveille en buvant mon café face à un arbre du voyageur. Je pense à vous, d'ici.
Sinon l'enfance, qu'y avait-il alors qu'il n'y a plus ?
Content d'avoir des nouvelles du pirate des Caraïbes !
RépondreSupprimerMerci pour cette jolie carte postale
Le soleil, toujours le soleil: ça doit être pénible à la longue!!!!!!!!
RépondreSupprimerMerci de penser à nous qui courons entre deux averses.
25 ans pour un pardon, ça aussi ça va être chaud. C'est bien donc les derniers mètres les plus longs à parcourir. Mais maintenant, tu y es.
RépondreSupprimer