J'ai acheté des CD depuis 1986 (et plein de vinyles avant), j'y ai mis énormément d'argent. J'en ai souvent racheté (remasterisations, bonus tracks...) et aujourd'hui tout ça ne vaut plus rien. Les rayons se vident au profit des DVD, des blu-ray disc (tout pour les yeux, rien pour les oreilles), en attendant le prochain format.

Et pourtant... c'était pas beau tout ça ?


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samedi 21 septembre 2013

#166: Frank Zappa "Civilization Phase III"

Je m'attaque à du lourd, du présumé indigeste. Le dernier album de Zappa, sorti, si ma mémoire ne m'abuse pas, post-mortem, et tout interprété au Synclavier, ancêtre clavier des possibilités quasi-infinies offertes aujourd'hui pars des logiciels divers et variés (voyez par exemple Komplete chez Native Instruments, si le "son" est votre seul problème...).

Donc, ici, pas de ces mélanges live/studio, bêtises à trois balles/soli qui tuent. Du contemporain, pourrais-je dire. Sans doute nos amis maîtrisant Boulez et Messian sont-ils ici en terrain conquis, voire vomi, mais moi je n'y suis pas. Je demeure un fan ébahi de Stinkfoot et Don't Eat The Yellow Snow (j'ai reécouté Apostrophe hier, quel putain d'album, quand même), même si je ne suis pas de ceux qui pensent qu'il faut commencer par un Zappa "abordable". Bande de tarlouzes, j'ai démarré avec Uncle Meat, alors vous le pouvez aussi !

Civilization, c'est autre chose. Le Zappa a la prostate flinguée, l'espérance de vie réduite au stricte minimum, et, par chance, n'ayant sans doute plus la force de faire ça on stage, profite dans ses derniers instants d'un balbutiement technologique qui lui permet de supporter sa chimio en continuant à composer, envoyer, balancer, directement de chez lui, sans ces galères de location de studio, d'embauche de musicos qui, au début des années 1990, ne devaient guère être nombreux à vouloir tenter le coup.

L'heure était au grunge, cette espèce de punk avec cheese-burgers et bermudas, et donc, définitivemet intolérante à l'idée d'un donut avec Varese, surtout s'il fallait se fader de vieux briscards jazz-rockeux que le désherbage massif du punk-rock n'avait pas réussi à écarter.

Alors, Frank Zappa est mort.

Alors, Civilization Phase III est malgré tout sorti, et a procuré l'effet d'un disque de Yes pendant l'entr'acte d'un concert entre Adam & The Ants et Nina Hagen.

Aujourd'hui, nous sommes en 2013 et toutes ces choses n'ont plus d'importance. Les premières mesures au Synclavier mettent en évidence qu'on n'a guère fait de progrès en matière de sampling, et que - surtout - le bouton Quantize qui permet à chaque apprenti DJ de faire sonner n'importe quel loop de je-ne-sais-pas-qui avec le prochain morceau electro n'a ici jamais été pressée. Facile, elle n'existait sans doute pas.

Aujourd'hui, cet album sonne merveilleusement mieux qu'à l'époque. Habitués aux sonorités numériques, on arrive peut-être enfin à retrouver le Zappa qui se cache derrière, le nez sur les patoches, la moustache altérée par la chimiothérapie certes, mis toujours ces intermèdes comme au bon vieux temps d'Uncle Meat. Rester muet devant le fait que rien ici n'est improvisé, mais simplement (?) issu de la défunte cervelle du Maître, qui coucha jadis ces partitions sur son Synclavier, note par note. Des choses injouables, par moments, par n'importe desquels des musiciens qu'il a pu contacter au bon vieux temps où la musique était jouée par des musiciens. jette sur ces modestes ordinateurs, et sort ici l'oeuvre ultime. Datée, certes, donc ultime, uniquement un temps. Mais ce temps peut aujourd'hui ne toujours pas sembler si déplacé que cela.

Et ressentir, aussi, le fait que cela sent le sapin. Un semblant de mélancolie dans l'absurde. Et prendre en pleine face ce dernier hymne, Amerikka. Comme un hommage à Harry Smith. Chaque note est jouée par un instrument différent, ou presque. World Music ?

N'étant plus contraint par cela, étant juste contraint par le temps qui finirait par ne plus passer, Zappa se jette sur ces modestes ordinateurs, et sort ici l'oeuvre ultime. Datée, certes, donc ultime, uniquement un temps. Mais ce temps peut aujourd'hui ne toujours pas sembler si déplacé que cela.

Et tout cela au hasard, tiens, là, je suis en train de kiffer bêtement sur I Was In A Drum. Mais d'autres monuments l'ont précédé.

Ecoutez donc Civilization.

Et posez-vous la question de ce que l'on fabrique, aujourd'hui, avec des ordinateurs 1000 x plus puissants, des logiciels 1000 x plus conviviaux.

Celui qui oserait une oeuvre ne serait-ce que cent fois moins ambitieuse que celle-là me laisserait déjà sans voix.

Autant dire qu'à ce niveau, cela me laisse sans texte.

Hot & Putrid.

5 commentaires:

  1. Messian ? Sans doute as-tu voulu écrire Messaien... Pour le reste, il faut encore que j'écoute mais ton texte me titille. ^_^

    Mais : "Ce fichier n'existe pas (l'accès aux fichiers suivants est limité) ou il a été enlevé à cause de violation des droits d'auteur."

    Alors déjà que tu ne postes pas souvent mais si, en plus, tu donnes des liens morts...

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  2. http://dfiles.eu/files/ec9u0derh

    Ca devrait fonctionner...

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  3. Avec le temps et les écoutes, c'est devenu un de mes Zappa préférés. Il bossait sur le Synclavier depuis une dizaine d’années, il me semble, et ça s'entend, en comparaison avec les premiers essais. Et puis aussi comme mentionne, le fait que la fin était proche a certainement pousse Zappa a se concentrer sur un petit nombre d’œuvres, d’où le sentiment d'avoir ici une œuvre complète et aboutie, et non un ensemble de collage parfois marrants, parfois pertinents, parfois géniaux (mais souvent aussi rien de tout ça), auxquels il nous avait parfois habitués.

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  4. Hello.
    Pas grave si le lien ne marche pas, je me remets Hot Rats…
    EWG

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  5. Sinon, il est sur grooveshark... je ne connaissais pas celui-là mais tu donnes envie (même au punk endurci -mais pas endormi- qui sommeil en moi)

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