
Je lisais l'autre jour les notes de pochette de la réédition de BBH 75 de Jacques Higelin. On y apprend qu'Higelin a - carrément - inventé le rock français. Avant lui, le néant, hormis quelques yéyés sans intérêt et déjà dépassés. Ok, Higelin a apporté beaucoup, au rock comme à la chanson, en décomplexant un peu la scène française, jusque-là coincée dans la dualité "chanson à textes (?)/variétés".
Mais en 1975, Ange avait déjà sorti Le Cimetière Des Arlequins et Au-Delà Du Délire (sans parler de Caricatures, un peu... brouillon) et s'apprétait à balancer son chef d'oeuvre, Emile Jacotey. Et question charisme, Christian Descamps valait largement Higelin. Capable d'envoyer une reprise de Brel (Ces Gens-Là), c'est-à-dire d'oser le faire et de faire oublier l'original, ceci vingt cinq ans avant que Noir Désir ne s'y essaie (et repompe l'arrangement d'Ange, au passage...).
Malheureusement, Ange donnait dans le rock progressif, et se prit, comme ses copains d'outre-manche, une volée de bois vert des 1977 à l'arrivée des punks (enfin, disons... de Téléphone et Starshooter...). Et les années 1980 n'arrangèrent rien : détour vers le hard rock (Vu d'Un Chien), manque d'inspiration et changement de personnels... jusqu'à 1987, et cette reformation d'Ange dans sa version originelle. J'ai eu la chance, grâce à une gueule de bois de Richard Bohringer qu'ils remplacèrent au pied levé, de les voir en 1989 aux Francofolies de la Rochelle, et cela reste un des plus beaux concerts auxquels j'ai assisté.
Capté le 25 octobre 1987 lors d'un regroupement de has-been au Zénith (Martin Circus était de la partie aussi...), ne reste ici que la musique. Plus du tout hype, loins des modes, un peu vieux déjà, ils balancent un set mémorable. Et rappellent que si, le rock français a existé dans les années 1970, avant Higelin et après Les Chaussettes Noires.
A cette époque, nous étions sur la trace des fées...