J'ai acheté des CD depuis 1986 (et plein de vinyles avant), j'y ai mis énormément d'argent. J'en ai souvent racheté (remasterisations, bonus tracks...) et aujourd'hui tout ça ne vaut plus rien. Les rayons se vident au profit des DVD, des blu-ray disc (tout pour les yeux, rien pour les oreilles), en attendant le prochain format.

Et pourtant... c'était pas beau tout ça ?


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jeudi 2 novembre 2017

Bob Dylan - en attendant le verset 13

Soyons honnêtes, mes frères, Columbia fit parfois de la bonne ouvrage avec le catalogue de celui que dans le métier on appelle aujourd'hui Tino Rosshillbilly  et dont le fameux Never Ending Tour se serait transformé en Hit The Road Jack Lantier. Malheureusement ils sont actuellement trop occupés à essayer de dissuader le prix Nobel 2016 de reprendre Le Petit Bonhomme En Mousse à la fin de ses concerts pour se concentrer sur les Bootleg Series, c'est sans doute pour cela que celui à venir, le volume 13, sera - en vérité je vous le dis - totalement à côté de la plaque.

D'abord, ça devient agaçant de vouloir fourguer minimum huit CD par coffret, histoire de justifier - en cette fin des temps discographique - un prix minimum de 100 euros par pélerin (dans l'ancien testament on pouvait faire raquer 100 euros pour 3 CD, il en faut 8 aujourd'hui, les temps changent que voulez-vous). Il paraît que même Hugues Aufray fait écouter les Bootlegs Series par sa secrétaire tellement ça commence à l'ennuyer. Voyez par exemple les 36 chandelles de sa tournée de 1966 (qui ne sont pas des Bootleg Series mais quand même), de quoi épuiser jusqu'au dernier des Mohicans, surtout qu'il s'agissait de la tournée durant laquelle le Zim a le moins souvent modifié la set-list...

Plus avant encore, le coffret sensé vanter les mérites (bien) cachés de Self Portrait, et par là-même évoquer les tendres années 1969-71) fait une impasse sur les sessions avec Johnny Cash, pourtant lui aussi artiste Columbia alors quoi ?

Et puis a contrario, les bandes magiques de 1965-66, dans leur intégralité, ont été reservées à une élite, prête à payer 500 boules pour ne jamais partager les 18 CD avec le reste du monde. On est mal, je vous le dis.

Bref, après les Basement Tapes, il semblerait qu'on ait définitivement confié la gestion du grabataire de Greenwhich à un stagiaire en deuxième année de secrétariat. C'est un choix.

Ainsi donc notre stagiaire se vit confier la divine mission de crédibiliser la période Born Again (et je souhaite déjà bonne chance à celui qui n'est pas encore né et qui, dans les Bootleg Series Volume 124, sera chargé de dire du bien de sa période actuelle - fais-moi mal Charlie O'Leg), en multipliant les galettes comme jadis on avait tradition de le faire quand on se voulait prophète. Sans aucun discernement, bien entendu. Avec humour toutefois, puisque Dylan bêlera derechef l'évangile juste après la Toussaint. Amen.

Car Columbia m'aurait appelé, je leur aurais expliqué la Sainte Trinité. 1979 - 1980 - 1981, c'est aussi simple que cela : trois ans, trois concerts. Et l'auditeur esbaudi entendra rugir le Bob de belle manière, l'imaginera s'engouffrer dans ce gospel rauque (en bonne compagnie quand même : Fred Tackett, Jim Keltner, Tim Drummond, c'est pas le même line-up qui swingue aux thés dansants du temple des Témoins de Jehovah au-desssus de chez moi), jouer au beau milieu des putes et des zombies en 1979 au Warfield Theatre de San Francisco, tenter d'annexer le Canada en 1980 (c'est une tradition yankee, ne cherchez pas) à Toronto pour enfin sceller sa croisade dans la cité des Papes en 1981 (j'ai déjà vanté cet épisode épique dans ce même blog, je ne vais pas insister). Et voilà, trois concerts, six CD, faites-moi le tout à trente balles et on en parle plus.

Là, mon stagiaire blêmit, relit sa convention et me dit timidement : il paraît qu'il faudrait quelques studios outtakes, c'est marqué dans le référentiel pédagogique, et là y'a que du live...

Ne pleure pas mon garçon, car Tonton Jeepee a tout prévu, tu l'auras ton CAP : le père Dylan ayant visiblement abusé du vin de messe des Corbières à l'époque, il existe dans le monde parallèle un témoignage de l'urgence dont il témoignait pour écrire chaque jour davantage de chansons qui lui venaient comme ça, oserai-je dire par la grâce du Saint-Esprit, et figure-toi que nombre d'entre elles sont à ce jour inconnues des cadres de Columbia (le reste du monde les fredonne depuis vingt ans déjà, mais bon). Et il est bon de rappeler à la terre entière combien les chansons écrites à cette époque-là, quand le Bon Dieu a commencé à se lasser du folk, étaient incroyables (Caribean Wind, Lenny Bruce, Every Grain Of Sand...) Par un divin copier/coller, rajoute donc Between Saved And Shot et non seulement tu remplis ta mission, mais avec brio : ce sont maintenant SEPT galettes hautement symboliques que tu vas pouvoir proposer à la plèbe suante et puante en échange du denier du culte.

- Mais ou vais-je trouver cela mon père ?

Ne m'appelle pas mon père, je te fais bouffer ton harmonica sinon ! Tu trouveras ça sur le web, en moins de vingt minutes (véridique, NDLR). Pour trouver il faut savoir chercher, petit scarabée, rien n'est caché. Médite-moi un peu cette sentence, télécharge toi ça à droite et à gauche, et avec les 140 euros que tu auras économisé, goûte donc aux plaisirs de la vie et de la chair. Car malheureusement Dylan n'est pas près de ressusciter d'entre les morts - je me suis laissé dire qu'il comptait enregistrer un tribute album dédié à Julio Iglesias.

Ainsi fut donc fait, voici the Jeepeedee's Bootleg Series volume 13, moins chères que celles de Columbia, qui lavent plus blanc, et que j'échangerais pas contre un baril d'eau bénite.

A ce moment très précis, Dieu m'apparut, et en ces termes s'adressa à moi :

Non mais c'est pas vrai ce bordel quand même ! Je t'ai pas demandé de tuer ton fils, c'est pas la mer à boire ! Pourrais-tu expliquer a minima pourquoi cette trinité est essentielle ? A quoi le lecteur estomaqué par ton charabia peut s'attendre ? Nom de Moi c'est pas vrai !!!

(Dieu parle toujours fort, désolé)

OK, donc, par le menu. Ceci expliquant peut-être cela.

Au Warfield Theatre, le 8 novembre 1979, comme les autres jours d'ailleurs et contrairement à ce qui a été écrit, le public est plutôt content de son sort, et accueille le fils prodigue avec ma foi grand bonheur, semble heureux que le groupe entame Gotta Serve Somebody. On trouve ici des versions encore proches de l'album des chansons de Slow Train Coming et, comme dix chansons ne suffisent pas à précher l'évangile, Saint-Zim en sort une dizaine de son chapeau, écrites dans l'urgence, qui finiront sur Saved, l'album maudit (?), invendable car même pas béni par Mark Knopfler. Pour les plus vieux d'entre vous/nous, c'est ici qu'on entend le Solid Rock qui avait à l'époque tourneboulé Garnier dans Rock & Folk. Chose incroyable, le Zim chante comme sur le disque, presque timide par rapport à ces hymnes bibliques et à la personne à qui il s'adresse (Bobby s'adressant, dans ces chansons, plus souvent à Dieu qu'à ses fans, faut pas déconner non pkus)

A Toronto quelques mois plus tard, le vieux briscard est - déjà - aguerri, et si le répertoire ne change pas, notre nouveau prophète interprète son gospel comme si ces chansons avaient été écrites depuis la nuit des temps, comme si - déjà - Moïse les chantait à son peuple le soir auprès du feu.

Rajouteré-je que vous avez ici droit à la première partie, à savoir les choristes à Dylan reprenant quelques gospel même pas écrits par leur employeur, mais de première facture, et vous savez ce qui vous reste à faire. Mais de grâce, chassez ces pensées impures.



A Avignon enfin, Dylan met du vin dans son eau bénite, et les vieux refrains réapparaissent sous la tiédeur de l'été 1981. En une construction mystique ceci dit, les vieux brûlots semblant ici davantage illustrer les divins commandements et les affres des pécheurs que servir une improbable contre-culture déjà faisandée. Voyez - misérables pécheurs - les malheurs qui s'abattent sur la pauvre gourde de Like A Rolling Stone, qui n'a point suivi les préceptes du Saint-Père. Quel effet ça faaaaaait ? Dans ce théatre Antique, le diable et le bon dieu se partagent l’Idole, laissant deux morts sur le carreau. Un des instants les plus intenses du canard à l'harmonica.



Cerise sur l'hostie, Between Saved And Shot rassemble pas mal de chansons en devenir qui ne deviendront jamais rien - et en écoutant Magic, Wind Blows On The Water et les autres, on peut le regretter. On peut aussi tomber raide, les genoux à terre, en entendant la reprise serpentueuse de Mystery Train, et ceci même pour les plus agnostiques d'entre vous. Ca tape, four on the floor comme on dit à Jérusalem. Ha ha ! ce vieux train qui déboule lentement, serait-il celui-ci même qui par l'entrejambe d'Elvis Presley porta Satan en Amérique ? Mazette, sucettes et tortillas, l'argument est de taille, et le Zim jamais meilleur que quand il endosse les habits du Diable pour mieux le vilipender. Nom de Dieu, on aurait aimé être petite souris à ces sessions ! Car, en plus, les versions alternatives des titres à venir sur Shot Of Love (dont Shot Of Love, tiens), sont du même acabit. Adrenaline (et j'ai crié !) garantie.

Ainsi soit-il, tout est là, prenez, ceci a du corps :

Warfield
Toronto - part 1
Toronto - part 2
Avignon - part 1
Avignon  - part 2
Between Saved And Shot

Bon, vous savez quoi faire ce week-end. Ca vous évitera une sortie à la FNAC en ces temps pluvieux (quoique les sous du coffret économisés peuvent vous permettre d'acheter un grille-pain, et que la FNAC regorge de grilles-pain, car quand il fait pluvieux comme ça, rien de tel qu'un grille-pain*).

*et il paraîtrait même qu'on ait trouvé Dylan faisant du porte-à-porte à Minneapolis ce jeudi, essayant de vendre des grille-pain tout en chantant l'air du Toréro de Carmen, justement, c'est pour ça que j'y pense.


9 commentaires:

  1. essayer de dissuader le prix Nobel 2016 de reprendre Le Petit Bonhomme En Mousse à la fin de ses concerts

    Je m'étonne...J'avais ouï dire que ses concerts se terminaient maintenant avant la fin.

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  2. Si c'est une action commandée par le bon Dieu en personne, je charge ! Ey ! Je voudrais pas finir en enfer avec l'infâme Lemmy !!!
    :-)

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  3. Tu dis des choses fort intéressante, notamment sur la volumétrie de Dieu. Mais je vois qu'il y a aussi des mots écrits en tout petits, ne serait-ce pas le diable qui parlerait ainsi en douce?

    Bon, j'ai pas tout compris pourquoi cela valait la peine, mais je vais quand même écouter. Et puis, cette période n'est pas aussi maudite à mes oreilles qu'on a voulu longtemps me faire croire. Et si Every grain of sands a été écrit à cette époque, alors Dylan il y a tout lieu de croire au(x) miracle(s)

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    1. Oui, Every Grain Of Sand a été écrite à cette époque (comme Lenny Bruce, incroyable celle-là aussi), et ça vaut la peine parce que, et peu importe le propos, Dylan y croit avec ferveur et c'est toujours quand l'homme est passionné - transformé - qu'il est le meilleur.

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  4. Tourneboulé Garnier ? Ah merde, tu m'en bouches un coin là, l'en fallait pour le tournebouler au loustic ...
    Si la Mauvaise Foi (je sais pas qui a inventé le terme) est la seule que je pratique nous en tenons là un Grand Prêtre, à tout le moins, Fier Messager que tu en es !

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  5. Tout ça est bien convaincant et me voilà conquis ("convaincu" et ça commençait à ressembler à une contrepèterie)
    Je suis nettement mois sévère que toi sur la tournure de Robert, et même tolérant, car au moment où les CD et les € se multiplient, il y a le téléchargement hi hi légal. Alors si il y a un stock de CD vierges à placer... Laisse faire.
    Sinon
    Merci pour tout
    En plus, je découvre au moment où je t'écris "Every Grain Of Sand" Encore un Dimanche de gagné

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  6. Je confirme la beauté du concert d'Avignon. le reste est bien aussi. Recommandé même! Merci JeePeeDee!

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  7. J'ai écouté ton Between Saved And Shot. Ca transporte vraiment! On pourra se dire aussi comme Everett: à quoi ça sert un producteur, tellement qu'il y a de "good vibrations" dans ces enregistrements. Comme si la case "studio" devait nous en débarrasser à tout prix pour prouver qu'on avait travaillé dessus...

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