J'ai acheté des CD depuis 1986 (et plein de vinyles avant), j'y ai mis énormément d'argent. J'en ai souvent racheté (remasterisations, bonus tracks...) et aujourd'hui tout ça ne vaut plus rien. Les rayons se vident au profit des DVD, des blu-ray disc (tout pour les yeux, rien pour les oreilles), en attendant le prochain format.

Et pourtant... c'était pas beau tout ça ?


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lundi 5 décembre 2011

#95: Grand Funk Railroad "Live Album"

Je constate que mes posts de Rick James et de Donny Hathaway trônent toujours en haut de l'échelle, alors que le funk et moi, ça fait trois, ignare et peu culturé de la chose que je suis. Et que je passe pour un inconditionnel de la vielle à roue alors que, putain de bois, ce que j'aime plus que tout c'est le rock'n'roll. Alors, après le BOC d'hier, passons à la pinte.

Soyons clairs, j'écarte ici toute velléité de vous pondre un post genre je-détiens-la-vérité façon Inrocks ou même Rock & Flock. Pour tout dire, du Grand Funk, je ne sais pas grand chose. Ayant lu à l'époque dans Frock & Loques, justement, qu'ils étaient de très mauvais musiciens, il m'a fallu attendre le hasard d'un prix vert pour tenter le coup. Bien après l'adolescence. Bien après ma période Air Guitar, donc. Et le disque est resté sagement sur l'étagère.

Grand Funk Railorad, ça m'interroge. Voilà un groupe qui remplissait les stades, et qu'on a semble-t-il complètement oublié. Chez Leclerc, je trouve du Led Zeppelin, du Deep Purple, de l'Iron Maiden et même des Stooges, mais de Grand Funk, que nenni. Pourquoi ? Etaient-ils donc si mauvais ? Le mieux est encore d'écouter le disque. La légende disant qu'ils jouaient tellement fort que les oreilles saignaient est plutôt pour me plaire, vu mon envie de me décrasser les écoutilles.

Le temps que l'intro se passe, ma bonne humeur ne fait qu'augmenter. Un power trio. Pas d'esbrouffe, donc, un trio ne peut pas être mauvais ET avoir rempli les stades. Ca n'est mathématiquement pas possible. Cela nécessite un guitariste capable de riffer sans relâche - on évite donc le risque du solo bavard - et si solo il doit y avoir, charge au bassiste de rappeler le riff avec force conviction et au batteur d'envoyer double dose pour éviter le syndrome de la baisse de tension, impensable pour un groupe heavy. Suicidaire.

Et Mazette. Are You Ready, on dirait du Motown survitaminé par des punks qui auraient été adoptés et allaités (Rockus et Rollus ? Une nouvelle mythologie ?) par des Black Panthers de Harlem. Une basse énorme, une guitare qui - effectivement - envoie grave du power chord, un batteur qui bat, et un chanteur qui s'égosille comme tous les grands chevelus des années soixante-dix. Comme ce chanteur est également le guitariste, il ne peut donc se permettre de ponctuer les soli de Yeah, Come On, Ooooh Babe Babe Babe inutiles, ce qui n'est pas si mal.

Oui, bien sûr, là, c'est bourrin et pas fin, c'est pour de la consommation immédiate. De la Valstar plutôt qu'un Saint-Emilion qu'on laissera vieillir. D'où, peut-être le fait qu'on n'en trouve plus guère en stock chez notre fournisseur préféré. Mais les mecs étaient courageux, capables de sonner lourd même quand le gratteux délaissait son instrument pour pianoter sur un Rhodes (Mistreater). Et gaffe, ce qui démarre comme un slow vire très très vite au Jerry Lee Lewis sous acide. Bien plus méchants que les Doors, dans le genre, sans caution poético-artistique, ouf, et moins académiques qu'un Child In Time, au hasard.

Et je crois que je tiens la clé de l'énigme. Car le disque est bon, même si l'on évite pas le solo de batterie (vous pouvez donc zapper T.NU.C sans complexe). Alors pourquoi cette disparition, cet oubli ? Ce trou noir ?

Ca paraît simple : ces gars-là étaient vraiment méchants. Sorte de MC5 plus branchés funk que marijuana et révolution - ce qui leur a permis sans doute de faire carrière. Alors que, quoiqu'on en dise, le hard rock estampillé 70's peine à trouver des successeurs, pas de problème pour le Grand Funk. Les Stoners de Queens Of The Stone Age et bien d'autres ont pris la suite. Ils sont jeunes et méchants, jouent très fort aussi, et assument donc pleinement l'héritage. Dès lors, quel besoin de revenir à la source ? La musique du Grand Funk est promise à un bel avenir : du groove, une basse qui envoie direct dans la cage thoracique, un gratteux pas trop démonstratif, bref, du rock'n'roll. Et du rock'n'roll plus fort que la concurrence. Alors, tant pis pour eux, pas de culte nostalgique. Qu'importe le vin, pourvu qu'on ait l'ivresse. Ces gars-là avaient compris ça bien trop tôt, à leurs dépends. Il fallait prendre tout, tout de suite, laisser les critiques gloser sur leur niveau instrumental, sachant que tout ça allait se terminer très vite. Prends l'oseille et tire-toi.

Ce qu'ils firent. Un gros coup, puis voilà. Place aux jeunes, qu'on le veuille ou non. Chose qu'ils avaient comprise, vue l'urgence ici déployée. Je crois que le Grand Funk est en train de devenir un de mes groupes préférés, rien que pour ça. Bien sûr, même le gagnant du gros lot à l'Euro-Million continuera de cramer ses cinq euros hebdomadaires en espérant une deuxième mise, même si cela est absurde. Eux continuent toujours plus ou moins d'écumer les clubs. Mais il y a tellement de retraités qui font leur jogging quotidien, qu'on ne peut pas leur en vouloir d'entretenir la forme, si ?

Voilà voilà, c'était mon petit hommage du jour à un groupe sans grande crédibilité. Mon petit grain de sable dans l'Histoire avec un grand Hasch, dans l'Evangile que cherche à écrire le comité de rédaction du Vatican - pardon, des Inrockuptibles.

Are You Ready ?

14 commentaires:

  1. Hello Jeepeedee,
    Quelle drôle d'idée aussi de fouiner dans les bacs de disques de Leclerc!
    Qu'est-ce donc que ce "ouf" à propos de la "caution poético-artistique", Patti Smith ne chercha-t-elle pas, elle aussi, à insuffler de la poésie dans le rock? Le rock ne devrait-il se résumer qu'à un "one, two, three, let's roll & I want you, my babe"?! Cela dit, je n'ai rien contre le Grand Funk.
    Jimmy
    P.S. : pour parfaire ta culture funkisante, un petit objet bouillant :
    http://le-club-des-mangeurs-de-disques.blogspot.com/2011/05/various-artists-hey-everybody-i-gotta.html

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  2. @Jimmy : Le "ouf" était spécifiquement en lien avec mon évocation des Doors. Je trouve, mais je me trompe sans doute, que Jim Morrison est bien loin d'atteindre Patti Smith. Et surtout, j'imagine le Grand Funk déclamant du Rimbaud, ça ne m'émoustille guère... Bien sûr que cela serait triste si le rock ça n'était (toujours) que ton "one two three", ceci dit, il est des moments où l'on n'a besoin que de ça, prend la Jim Jones Revue au hasard, et je trouve aussi que "résumer" n'est pas toujours très bien choisi. C'est énorme, au contraire, d'arriver émouvoir autant avec si peu de choses... Less is more, parfois... Bon, je vais me culturer en cliquant sur ton lien, merci...

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  3. Moi au contraire, j'ai toujours eu du mal avec Patti Smith, j'ai beau essayé, je n'y arrive pas c'est comme ça.

    Grank Funk, c'est top le temps des 5 premiers après j'aime moi.

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  4. Dans le genre Power Trio "heavy métal" ( même si à l'époque cette dénomination n'existait pas encore) ne pas oublier les grands anciens que furent "Blue Cheer" . 2 galettes en 1968 : "vincebus eruptum" " outside inside" et quelle galettes ( surtout dans le San Francisco hippie de ces années là )
    Sinon Grand Funk + Blue Oyster Cult à la suite, une semaine qui commence fort !
    Echire79

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  5. Moi, j'aime bien les textes de Morrison (et Patti aussi!). Je trouve aussi que c'est magnifique d'émouvoir avec peu, mais je ne pourrai pas me satisfaire des Ramones toute ma vie - et toi non plus d'ailleurs!
    Jimmy

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  6. GFR c'était un mur d'amplis, et un son tellement saturé qu'en dehors du bruit, malgré les bouchons d'oreille, on n'arrivait pas à distinguer quoi que ce soit d'autre. Je les ai vus au Palais des Sports de Paris en 71 et j'en suis ressorti complétement sourd, avec des acouphènes pendant quinze jours. L'article que Best en avait fait s'intitulait "Grand Funk Railroad, ou quand les Boing décollent". Bien vu!

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  7. @Jimmy : c'est ça qui est bien ! et c'est ça qui nous perd : ne pas pouvoir se satisfaire des Ramones ou de Manset. Bon, les textes de Morisson, j'ai du mal, un peu... mais j'avoue que je ne les écoute pas forcément... Celui que je préfère, c'est Roadhouse Blues, parce que là, il colle diablement bien à sa musique. Encore une fois, mon "ouf" ne vise pas à critiquer qui que ce soit. Mais disons que là, Grand Funk, c'est bien qu'ils ne se prennent pas pour des poètes. Tu imaginerais, à l'inverse, Manset chanter "Gabba Gabba Hey Hey", y'a des trucs qui collent pas trop ensemble... A y réfléchir, An Amercian Prayer, c'est très très beau aussi, même si c'est dommage que les 3 autres y aient collé une sorte de jazz funk discoïde derrière à l'époque... Mais The End, je trouve ça simpliste et surfait... C'est pas du Rimbaud, quoi !
    @psegpp: ce qu'il y a de bien avec les CD, c'est qu'on peut baisser le volume, et on se rend compte qu'il y a de la musique derrière...
    @Echire79 : Blue Cheer, je note.
    @Toorsch : 5 d'affilée, c'est déjà pas mal. A la Valstar, je tiens pas.

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  8. Oh oui Blue Cheer et leur version dévastatrice de "Summertime Blues"

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  9. Et qu'est-ce-qu'on fait maintenant qu'on a chargé le CD ? On s'assoit par terre, on écoute les petits zoziaux qui chantent ???
    Sûrement pas, les mecs ! On enfile un jean slim, un tee-shirt à tête de mort, des santiags blanches et on s'empare d'une air-Gibson SG pour rejoindre Grand Funk sur la scène de "l'Atlanta Pop Festival 1970", devant un public de 400.000 freaks bigarrés, ivres de substances potagères illicites. Pas de panique sous les tropiques : Marc Farner est là pour balancer les riffs qui bousculent, Don Brewer martèle ses fûts comme un dément. Quant à Mel Schacher, il se montre impérial au guidon de sa basse ronde et omniprésente.
    Un dernier conseil : "Play It Loud"

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  10. @Jeepeedee:
    Puisque j'ai commencé "les vieilleries"(privilège de l'âge!??) avec Blue Cheer, j'aime bien aussi me decrasser l' oreille sur le "live "N" kicking at Lexington" de Pacific Gaz & Electric ou bien sur le " take a ride" de Mitch Rider & The Detroit Wheels; pas de questions existentielles à se poser sur le genre musical ( blues,rock,R&B ?)comme on aime à le faire de nos jours ou il faudrait tout saucissonner et etiqueter , Non c'est de la music...et de la bonne...play it loud & let's go
    Bon côté texte, d'accord avec Jimmy, c'est pas Rimbaud ni même Morisson ou Patti smith mais l'un n'empéche pas l'autre......(j'ai d'ailleurs écrit à Jimmy que j'ai pris une grande claque ce matin avec le Monk...difficile pourtant de faire plus éloigné musicalement)
    Echiré79

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  11. Hi Jeepeedee, tu vires mur du son ou quoi ? Je plaisante mais j'ai un faible pour le Blue Cheer, Le GFR moins, mais les premiers albums valent le détours. Le tour 71 par exemple est explosif,. Et puis ça fait du bien de se défouler.
    Keep rockin'

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  12. Eh ben voilà, les due Blue Cheers sont en route vers mon disque dur. Si ça cogne vraiment tant que ça, faut que ça soit là. Je crois que je pars pour une semaine à thème, là...

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  13. Hello Keith,
    Le slim fit, je suis plutôt pour; le tee-shirt à tête de mort, pourquoi pas, mais si je pouvais éviter les santiags (surtout blanches!), ça me ferait bien plaisir! Bon, quand on aura fini de rigoler, on pourra peut-être passer à Einstürzende Neubauten!!!
    Jimmy

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  14. Hi Jeep, lâche les watts ! Fais vibrer la membrane !

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