J'ai acheté des CD depuis 1986 (et plein de vinyles avant), j'y ai mis énormément d'argent. J'en ai souvent racheté (remasterisations, bonus tracks...) et aujourd'hui tout ça ne vaut plus rien. Les rayons se vident au profit des DVD, des blu-ray disc (tout pour les yeux, rien pour les oreilles), en attendant le prochain format.

Et pourtant... c'était pas beau tout ça ?


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vendredi 16 septembre 2011

#18: Bob Dylan & The Band "The Basement Tapes"


Le plus grand fake de l'histoire du rock : Bob Dylan, suite à un accident de moto en 1966, se retrouve à moitié mort à l'hosto. Silence média pendant deux ans. Puis il revient fin 1967, John Wesley Harding, album tranquille et mystique, mais qui contient All Along The Watchtower, rapidement repris énergiquement par Jimi Hendrix, et qui remettra Dylan en selle, pour, à nouveau, reprendre son poste de guide, de gourou de la jeunesse hippidéaliste des sixties.

Mais de cela,il ne voulait plus.

L'accident de moto, c'était peut-être une côte cassée, mais rien de plus. Après les émeutes liées à l'incompréhension de sa démarche jusqu'au-boutiste de sa tournée électrique de 1966, la rancoeur et la fatigue l'avaient poussé vers une autre démarche : ok, les gars, je suis allé jusqu'au bout du personnage. Alors rions un peu, tuons le personnage, et laissons (via un business de reprises lucratif) les autres chanter mes chansons, I'm Not There....

Dans cette optique, ces Basement Tapes, enregistrées dans la cave de sa maison à Woodstock en 1967 (pas mal pour quelqu'un sensé lutter contre la mort sur un lit d'hôpital) constituent une recherche visant à redéfinir la musique américaine, rapidement maquettée, mais par d'autres - à vous les gars (Manfred Mann, The Byrds...) de la porter, moi je fais des gosses, touche les chèques et basta.

D'où l'ambiance plus que décontractée, les grosses blagues (Clothesline Saga parodiant la chanson narrative façon Ode To Billie Joe), les trucs émouvants qu'il ne porterait désormais plus à bras le corps (Tears of Rage, This Wheel's on Fire...). Et le Band de boire du petit lait, d'en prendre de la graine et de préparer enfin son coming-out, en germination ici : Music From Big Pink.

Les bandes pirates de ces sessions sont douze mille fois plus passionnantes encore, car emplies de reprises, de faux pas. Mais la remasterisation de l'album officiel est tellement bien foutue que j'ai choisi de me limiter à cela : le fameux double album officiel de ces chansons, qui ne devaient pas voir le jour par leur auteur, sorti huit ans après les séances, Columbia se sentant lassé d'être doublé par les bootleggers. Je vous ai déjà balancé du rude, avec Harry Smith, je vous ménage donc ici...

Jamais on n'entendra Dylan si décontracté - tout cela a été enregistré entre la poire et le dessert - jamais on n'aura vu en même temps germer un groupe - The Band - encore relégué au statut de backing band, mais tout cela donne des idées. Et vu les talents de ses membres, des classiques naissent ici discrètement dans la cave : Bessie Smith, rien que elle-là, la voix de Richard Manuel... respect.

Le Grand Intellectuel Greil Marcus a comparé ces séances à l'Anthology d'Harry Smith, précédemment postée. En 400 pages, il vous explique pompeusement que l'idée est la même : Dessiner cette République Invisible d'une Amérique qui ne se dit pas, qui vit sous les tirages des journaux et les déclarations de ses dirigeants, indifférente à l'image qu'on peut s'en faire par ailleurs.

Pas faux, Greil. Suffit de saisir notre Bob Dylan cherchant juste à écrire des chansons pour les autres, entre deux reprises (absentes de la version officielle des séances, j'ai un pirate en 12 CD de la pseudo-intégrale du projet, du moins ce qui a été récupéré à droite à gauche, c'est vous dire comment tout cela est ici ramassé).

Cet album, c'est une troisième petite mort pour Dylan. Après avoir cassé le folkeux, il se fait une entorse à moto et tue le rocker, là, il tue l'artiste. Tout cela se passait en 1967. Combien de fois est-il mort et ressuscité depuis ? Une étape, dans une voie initiatique passionnante. Un moment d'histoire, fort intéressant.

1 commentaire:

  1. Nous savons maintenant que cet accident de moto était bidon et que Dylan avait seulement besoin de souffler - et qu'on lui fiche un peu la paix. Reste donc ces "Basement Tapes" premier pirate sorti officiellement et qui ont fait le délices des fans. Encore un très beau post de l'ami Jeepeedee. (Heu, pourquoi Jeepeedee ?)
    Jimmy

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